samedi 28 avril 2007

N°8-(J+35) "LE CARNET DU PELERIN"- LE GITE DU PELERIN.



Le BLOG: Dans un précédent numéro, tu nous a promis de nous développer les conditions de vie dans les gîtes. Alors nous sommes vraiment impatients de découvrir cet aspect de tes conditions de pèlerinage. Qu'as-tu à nous dévoiler sur ces fameux gîtes?
Alain le Pèlerin:Pour les connaisseurs le gîte d'étape est une maison qui a pour vocation de recevoir soit des Pèlerins, au sens Pèlerinage, soit toutes autres personnes qui seraient à la recherche d'un toit. Souvent les gîtes aussi dénommés refuges, sont communaux et gérés par les prêtres ou des gérants appelés "hospitaliers". Il est vrai que sur cette voie de Limoges, nous sommes en majorité des Jacquets. L'hébergement est collectif et il faut presque toujours apporter son sac de couchage.
Le mobilier d'un gîte a un aspect monacal, rustique, sobre, fade, froid. Il est fonctionnel et souvent réduit à sa plus simple expression. Il répond aux exigences momentanées que tout Pèlerin attend d'un repaire d'homme fatigué, au point de se contenter de peu de confort. Et de ce côté là c'est souvent le cas....le peu de confort. C'est le "minimum minimorum". Généralement, une pièce commune est réservée aux repas et rassemblements. Un coin cuisine avec des ustensiles qui font souvent défaut. La partie couchage, soit en dortoir quelquefois avec des places au sol, soit en chambre à plusieurs, est accessible par un couloir dans lequel sont judicieusement placées, le plus souvent aux extrémités, les douches communes. On ne réserve pas sa place. Priorité est donnée aux Pèlerins munis de la "Créanciale". Quand on a la chance de trouver une chambre à 2 ou 3 lits individuels c'est le bonheur...ou presque. Par contre quand la configuration relève du dortoir c'est un peu plus "coton".

Le BLOG: Qu'entends tu exactement par là, toi qui recherche les contacts, la discussion en toute convivialité?
Alain le Pèlerin: Ce que je veux dire c'est qu'il y a un fort contraste entre l'aspect du mobilier, comme je l'évoquais tout à l'heure, et l'ambiance du dortoir, haute en couleurs. Loin de moi l'idée de me dédouaner en pensant que je suis le Pèlerin parfait qui passe inaperçu, car je pense figurer de temps en temps dans l'une ou l'autre des catégories que je vais évoquer maintenant.

Le BLOG: Tu veux dire qu'il y a une typologie de Pèlerin? ou plutôt des typologies?
Alain le Pèlerin: Les conditions de séjour, et la longueur du parcours où on peut croiser plusieurs fois les mêmes compagnons de route, laissent suffisamment de temps pour dégager des grandes tendances de comportement dans les salles de nuit communes. Ainsi trouve -t- on, l'invisible par sa discrétion, l'infatigable, le chuchoteur, le questionneur, le blagueur, le bluffeur, le fatigué, le fatigant, le parleur, le chanteur, l'intéressant, l'intéressé,....etc

Le BLOG: Si on comprend bien, les profils sont les mêmes que dans la société en général, alors pourquoi tu en parle en particulier?
Alain le Pèlerin: En fait, ce sont les conditions dans lesquelles on vit qui amplifient et mettent en exergue les tempéraments et les conséquences envers autrui. L'exemple le plus frappant est en dortoir. Imaginez dans la même pièce, une trentaine d'hommes et de femmes qui n'ont en commun que le pèlerinage. Autrement dit, chaque personnalité a le loisir de s'exprimer, où elle veut, quand elle veut, et ce mixage imprévisible a quelque chose de cocasse. Et où ça peut donner des situations quelquefois dérangeantes, c'est quand les corps se détendent, les mâchoires se relâchent, les sinus décompressent. Si les ronflements font rage, ça frise le concert, la compétition, de surcroît en stéréo. Inutile de vous dire que même fatigué quand on n'est pas coutumier de cet environnement le repos n'est pas facile à trouver. Et pourtant, il conditionne la récupération, pour reprendre le chemin très tôt le matin. Alors.......le lendemain je suis heureux de me retrouver sous ma tente dans un coin de champ ou dans un hangar. J'allais oublier de vous parler de la symphonie des sacs plastiques que l'on froisse pendant un 1/4 d'heure le matin au réveil, le concert des fermetures éclair des sacs, des pantalons, des vêtements....autant de nuisances dont le bruit est amplifié par la nébulosité du cerveau à peine réveillé....

Le BLOG: On imagine bien la situation. En quoi c'est dérangeant?
Alain le Pèlerin: La grande différence c'est que au lieu d'être une addition de 30 situations c'est une multiplication car chacun y va de ses habitudes, de ses phobies, de ses contraintes. Prenez par exemple, les arrivées tardives au gîte qui peuvent se situer jusqu'à 1h du matin et bien si en plus elles se manifestent par un tintamarre d'ustensiles de cuisine qui se frottent dans un sac, le dormeur peut rêver mieux. Les exemples sont à l'échelle de la population hébergée. Le Pèlerin qui cauchemarde est impressionnant, au moins autant que celui qui est atteint d'apnée du sommeil, car là pour le coup, c'est moi qui retient mon souffle pour essayer de le faire..respirer.

Le BLOG: C'est vrai que ça doit être impressionnant et aussi perturbant quand tu as prévu de bien te reposer. Alors comment tu réagis?
Alain le Pèlerin: Par principe, la vie en communauté impose d'être tolérant et de gérer les situations au cas par cas. Alors je gère, même si les départs matinaux (dès 4h du matin)me donnent envie de me prélasser encore davantage dans le duvet. Mais honnêtement, c'est pour éviter ce genre de situation que j'ai choisi de vivre en gîte uniquement pour des raisons d'hygiène périodique, et le reste du temps de choisir mon environnement de sommeil sous la tente. Un des autres avantages du gîte, c'est de retrouver la possibilité de manger chaud. C'est aussi le moment de faire la lessive, car les équipements sont à notre disposition, et de prendre un petit déjeuner un peu moins nomade qu'à accoutumée.
Le BLOG: Y-at-il un gîte qui t'a marqué plus que les autres?
Alain le Pèlerin:C'est difficile de les comparer, de les opposer. Par contre j'ai le souvenir encore ému, d'un gîte Espagnol dont la distribution me laissera un souvenir inoubliable. Imaginez une salle de 50 à 60m2, autour de laquelle se trouve une estrade haute de 90 cms. Sur cette estrade disposée en couronne un matelas tous les 90 cm, à "touche - touche". L'accès à la couche se fait par le pied en se hissant. Le choix de sa paillasse relève du pur hasard. Faut-il prendre un coin? le centre? un matelas sur les côtés? Le mieux c'est de trouver des voisins pas trop bruyants ou envahissants. Surtout à éviter la couche près des toilettes et de la salle d'eau. Puis on marque son territoire, en étalant duvet, chaussures, chaussettes (ça peut dissuader des coriaces....)
Le BLOG: Combien ça coûte un séjour en gîte d'étape?
Alain le Pèlerin: Les prix sont surtout variables entre la France et l'Espagne. En France, il faut compter 20€ par nuitée en moyenne avec le petit déjeuner. En Espagne c'est 4 fois moins cher. Vous comprenez pourquoi, je ne veux pas garder le poids de la tente sur les épaules à ces tarifs.
Le BLOG: Quels sont les points que tu retiens de ton itinéraire en France?
Alain le Pèlerin: Déjà, en point fort, celui de la forme. Pas de problèmes majeurs aux pieds. Et puis en points faibles, j'ai souffert de la solitude (c'est vrai que je venais la chercher....allez comprendre!!), d'une signalétique trop souvent défaillante, et d'un temps assez moyen et froid le matin. Ce n'est que dans le sud ouest que ça se réchauffait l'après-midi. Ceci dit, je ne regrette rien et maintenant j'attaque la péninsule Ibérique.
Le BLOG: Alors ce passage en Espagne comment s'est-il passé?
Alain le Pèlerin: 25 ème Jour:La 1ère étape en Espagne St Jean Pied de Port/RONCEVAUX, se fait en 7h pour 27 kms , sous la pluie et le brouillard(ça monte jusqu'à 1430 m pour redescendre à 1057 m au col de Roncevaux, haut lieu historique du combat du Chevalier Roland contre les Maures. Le monastère de Roncevaux a hébergé en 1993 plus de 15 000 Pèlerins. Il se dit aujourd'hui que ce chiffre serait passé à 26 000. Ici on est entre Pèlerin. Je pense aux Amis randonneurs de SMA qui quelquefois s'interrogent de savoir s'ils doivent sortir par temps incertain!!??. La prochaine rando je suis avec vous quelque soit le temps, et c'est moi qui invite!!
C'est une région de châtaigniers et de hêtres.Le paysage est montagneux et désert. Pour ma seconde année c'est du connu, alors je trace....La borne frontière n°199 annonce la Navarre. Compostelle est à 765 kms. "La Fontaine de Roland" à 1344 m est la bienvenue. Je passe de chemin herbeux, à chemin caillouteux, à large piste montante, à route goudronnée, à sentier raide, à route en lacets, à passerelle, à barrière canadienne, à portillon, à gués, à piste cimentée, à sentier forestier, à la traversée de portes, de porches, ...et tout cela avec des pentes supérieures à 5%.
26 ème Jour: La Navarre Pyrénéenne, laisse apparaître des villages tout au long du parcours. Les familles nombreuses du Pays Basques, habitaient de grandes maisons austères.ESPINAL, PUERTO DE ESPINAL. Les fermes Navarraise sont superbement blasonnées.
A ZUBIRI, LARRASOANA, le soleil chaud incitent les chiens à se dorer au soleil. Je fais des courses. Les chemins sont creux, boueux, et avec des grosses pierres. Le "bourdon", le 3ème pied comme me disait un Belge, est bien pratique. Aujourd'hui, le week-end, il y a des vététistes qui n'arrangent pas les pistes, mais il faut bien cohabiter.
En Navarre, c'est la zône des sauces sur le plan gastonomique. On y trouve aussi, un vin vert le Chacoli, le fromage de brebis, le saucisson appelé ici "embutidos" et les "piquillos" savoureux petits piments rouges. Inutile de vous dire que je ne déguste pas ces spécialités, mais elles existent.
Arrivée à PAMPELUNE après 43 kms, capitale de la Navarre date du 1er siècle avant JC, offre beaucoup de monuments à visiter. Je dors dans une auberge dans une chambre seul,.........;avec 5 femmes!!. Pampelune c'est immense, vaste de 250 000ha et il n'est pas facile de s'y repérer.
27 ème Jour: Cette nuit il a plu, et le départ se fait sous la pluie.La traversée de cette ville est longue, fastidieuse et tous les Pèlerins ressentent cette même impression de pesanteur, de malaise dû à la ville......vivement la campagne, ses parfums ...
Le chemin est dangereux suite aux pluies, avec des éboulements, des crevasses. On est même détournés par endroit pour des raisons de sécurité. A 16h, je m'arrête à CIRUQUI.
PUENTE LA REINA c'est le moment d'un dernier regard sur le massif pyrénéen avant de passer au coeur de l'Espagne. Eoliennes, champs d'oliviers et plantes aromatiques font partie du paysage.
28ème Jour: ESTELLA,au bord du chemin la fontaine de vin installée par les Bodegas Irache ( caves) donne gratuitement à son robinet et à volonté du vin ou de l'eau. Le panneau annonce:"Pèlerin, si tu veux arriver à St Jacques, avec force et vitalité, de ce grand vin avale un coup et trinque à la félicité" Y sont pas accueillants en Espagne?
L'etape est longue pour passer de Navarre en Rioja où coule l'EBRE, province réputée pour ses vins rouges corsés rappelant les Bordeaux, et ses oliviers. Je passe LOS ARCOS, LOGRONO avec son pont en pierres à 7 arches. 36 kms. La journée a été harassante. Je suis tombé 3 fois dans la boue.....et quel chemin de Croix!!!! sans gravité.
La nuit en auberge avec 3 ronfleurs + moi. (L'avantage, c'est que je ne m'entends pas ronfler)
29 ème Jour: Pour gagner NAJERA c'est la traversée d'une grande plaine avec en bruit de fond la circulation de nationales et d'autoroute (A68). Paysage bien, sensation mitigée. Heureusement la nature est préservée, notamment sur 82 ha de plantations autour d'un lac de 32 ha, le parc DU PANTANO DE LA GRAJERA où il y a 184 espèces de vertébrés et 235 espèces végétales recensées. A VIANA, ça sent les bonnes odeurs d'une biscuiterie en service. Il fait chaud. Le taureau géant, découpé dans la tôle est le symbole ici, et n'a pas bougé depuis 2 ans.
Je constate que mes chaussures accusent les kilomètres. La semelle est bien entamée, par le goudron notamment.
30 ème Jour: Je pars il est 6h. Il fait froid. De NAJERA à SANTO DOMINGO DE LA CALZADA, plaine vallonée de vignes et cultures céréalières avec la navette de tracteurs en exercice. Le dessert de SANTO DOMINGO est le "petit pendu". Une sorte de biscuit en forme de coquille moulée d'un personnage aux bras ballants qui évoque évidemment le "pendu dépendu.
Je suis le dernier arrivé au refuge. Je me sens un peu coupable pour les suivants qui sont conduits vers le gymnase. Je visite la ville, sa gigantesque cathédrale. Les Pèlerins se reconnaissent bien par leur tenue du Dimanche (Pantalon gris en flanelle, blaser bleu marine, col blanc, cravate et mocassins vernis........non, non pas du tout, c'est plutôt, bermuda, cheveux hirsutes, chaussures éculées et poussiéreuses, tea shirt fripé, bob année 80 froissé, barbe grisonnante voire bien blanche.....
31ème Jour: Je pars à 6h et me trompe de 3kms. On est nombreux dans le même cas à se faire une confiance aveugle.....n'est-ce pas le "panurgisme"? ceux qui suivent sont vite prévenus de notre erreur.
ça défile, REDECELLA, VILLAMAYOR,BELDORADO qui annonce St JACQUES à 543kms.
Il ya beaucoup de monde. Allemands, Hollandais, Anglais, Canadiens,Français (heureusement). Il y a plus de femmes que d'hommes. Je m'interroge: quelles motivations peut avoir cette femme de plus de 75 ans, Allemande vivant en maison de retraite? Et si elle me répondait ce que j'ai tenté de vous expliquer il y a quelques N°?
Il fait chaud, et en toile de fond, la neige qui reste ne durera certainement pas longtemps.

Pour le 32ème je commencerai par BURGOS. Ce sera l'occasion de vous rencontrer à nouveau et de préparer mon retour.




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