samedi 5 mai 2007

N°9-(J+42) "LE CARNET DU PELERIN"- LE BALISAGE DU CHEMIN.



Le BLOG: On a vu dans les articles précédents, qu'il t'arrivait de t'écarter du bon itinéraire. Certains lecteurs se sont inquiétés et t'interrogent. Quels sont les moyens dont tu disposes pour t'assurer d'être sur la bonne voie?

Alain le Pèlerin: Quand on pratique déjà la randonnée les choses sont facilitées, même si la signalétique ne résoud pas tout. L'idéal serait d'être porteur d'un "GPS Rando" (Ne riez pas ça se fait maintenant). A défaut j'utilise les outils classiques de la signalisation connus dans le monde des marcheurs. Encore faut-il qu'elle soit à jour et surtout bien disposée aux endroits stratégiques.

Il y a de plus en plus d'harmonisation des visuels d'identification sur les panneaux de signalisation. C'est ainsi que nous avons à gauche, une coquille stylisée jaune sur fond bleu souvent accompagnée de la mention "Itinéraire Culturel Européen" qui démontre cette harmonisation Européenne. La photo ici à gauche, annonce St Jacques de Compostelle à 2095 kms et empruntant le GR 654. Elle est basée à Tonnerre dans l'Yonne. Quand on rencontre ce genre de "borne jacquaire", il n'y a pas de doute et les palpitations sont intenses, car en plus je trouve le graphisme élégant.

Un autre forme de signalisation officielle existe également, c'est le balisage (photo du centre) des chemins en blanc et rouge. Les traits parallèles, c'est que on est sur la bonne voie, la croix c'est la direction à éviter, et la flèche indique le sens pour tourner. Les couleurs peuvent varier selon la Fédération pédestre qui balise.

Le BLOG: Tu pourrais nous parler des tas de cailloux indicateurs de direction?

Alain le Pèlerin: Effectivement, je rencontre une troisième forme de repères pour retrouver la bonne direction, c'est la plus empirique mais pas la moins efficace. Je veux parler des "cairns" représentés par les tas de cailloux (photo de droite). Ce type de moyen de reconnaissance est plus courant en montagne, mais il existe à certains endroits du St Jacques. Le principe, repose sur le fait que chaque Pèlerin se doit d'y ajouter un caillou lors de son passage, théoriquement. Ce symbole, est important car il a pour objet de valider le passage par quelqu'un qui l'a pratiqué, même de façon intuitive. C'est une sorte de code qui inspire le respect et la confiance. C'est donc tout naturellement que les caillasses s'empilent.

Et puis, il y a les guides spécialisés que l'on peut lire pas à pas. Inutile de dire que ce n'est pas toujours évident et ça devient crispant. Jugez plutôt en faisant l'exercice:

St jean le Vieux, église à gauche; ne pas traverser la D 933 mais la suivre vers la gauche (Ouest) sur 1400 m. Prendre à gauche (Sud-S.O) une petite route, sur 160 m. Utilisez à droite une autre petite route etc...."

Vous avez tout compris. Bravo!! Mais si ceci est bien Français et logique, vous comprendrez que sur 2000 kms on préfère, ne pas avoir à mettre le nez trop souvent dans un guide qui embarrasse les mains.

Le BLOG: On voit que les pistes ne manquent pas pour se retrouver mais j'imagine que dans certains cas le problème reste entier. Alors comment fais-tu?

Alain le Pèlerin: La topographie sur 2000 kms c'est pas régulier. Je marche sur des chemins creux, des routes vicinales, des chemins de terre, des pistes de cailloux, des sentes herbeuses, des passerelles en bois, etc.....Alors il y a une cinquième solution pour rester sur la bonne voie en toute circonstance. C'est le bon vieux "bouche à oreille". Cette formule a du succès car ça permet d'avoir des contacts humains et aussi c'est propice à une discussion devant un café ou une boisson fraîche. Pour moi, cette formule est souvent utilisée au risque de suivre aveuglément un conseil qui s'avère erroné. Auquel cas je redemande et modifie ma trajectoire en conséquence.

Le BLOG: Alain, c'est ta seconde semaine en Espagne, quelle est ton impression?

Alain le Pèlerin: Je retrouve beaucoup de choses rencontrées il y a deux ans, ce qui me permet d'avancer et de mieux choisir mes visites. Ainsi à BURGOS, il y a pléthore de monuments à voir, des places pavées, des cloîtres, des églises, des ponts de pierres, des maisons seigneuriales, et bien sûr la cathédrale entourée de ses deux églises. Le TOP, une des plus belle Europe en gothique datant de 1221. Il fait beau et il y a beaucoup de monde, car plusieurs mariages sont célébrés. le soir participation à l'office.

Après BURGOS, il y a 200kms de traversée de la "Meseta", sorte de plateau à 800/900m d'altitude, avec vent et soleil, sans ombre. Il faut partir tôt le matin avec le bob bien vissé sur la tête. Sur le plateau aride de CASTROJERIZ, il se dit qu'un Pèlerin fut retrouvé mourant dévoré par les criquets. Quel sort m'attend alors? A l'époque, un prêtre Bolognais nommé LAFFI arriva à temps pour le confesser et l'inhumer sommairement. Moi je suis bien en vie et j'ai rencontré un berger avec ses 800 moutons, lui devant, avec sa grosse moustache, et 4 chiens qui contrôlent le tout en ratissant inlassablement comme le font les chiens de berger. Il fait 20° à l'ombre, je souhaite que ça dure.

34ème JOUR: Le parcours monte et moi je transpire à grosses gouttes dès le départ tellement c'est raide, et ce malgré la fraîcheur. Je suis en rupture de mets pour déjeuner. Je rentre dans un café et là après échanges écrits avec un vieux Monsieur, il me donne sa carte de visite. J'aurais préféré un sandwich!! Je sens que mes forces se craquellent petit à petit et là, je pense à ceux qui me manquent...c'est le côté déprimant, cafardeux, qui ne dure pas car la résistance physique, matérielle est intacte. Je me souviens du dicton :

"Dites moi ce qu'il vous manque, je vous dirai comment vous en passer"

Je pensais faire une petite étape, en fait j'ai cavalé sur 49 kms en solo, quasiment. Tout est fermé dans cette province. Dans la presse, j'ai vu le résultat du 1er tour des élections Présidentielles en France.

Ce matin à 6h30, je suis au bar pour un café. La météo annonce 21° et pluie. Chaque pèlerin redoute ce qui l'attend maintenant, 3h30 de ligne droite où je me fais doubler par un jeune costaud qui ne me laissera qu'une tâche noire à l'horizon. Une Norvégienne me laisse littéralement sur place. Oh! le Pèlerin, t'es fatigué à ce point? me dis-je!! Plus loin je la rattrape sans forcer. Soit elle a baissé le rythme, ou le Pèlerin barbu a encore du jus!!! ça me ragaillardi!!!A FROMISTA , avec ses écluses, je suis a mi chemin (357kms) entre St Jacques et la France. Je traverse la plaine de céréales, où sont construits également de magnifiques pigeonniers. Puis sur 20 kms, il n'y a ni hameau, ni village. J'apprécie le SILENCE car je sais ce qui m'attend à l'arrivée.

Vous vous souvenez la Norvégienne? elle arrive 1h après moi à SAHAGUN, qui est à 420kms de St Jean Pied de Port. La ville est souvent comparée à CLUNY avec ses 3 églises Romanes de briques. Je suis en province de LEÖN.

Le nom de la ville de LEÖN remonte à l'an 70 où la "légion" VII était basée. Les spécialités gastronomiques de cette région inspirent le Pèlerin. Jugez plutôt: soupe de truite-cassolette de ragout de mou- lentilles au jambon- congre à l'ail- gras doubles aux haricots- piments- pois chiches....(Rien que pour, ça je me gratte rageusement la barbe!!).

Je retrouve le gîte où j'ai dormi il y a 2 ans, ainsi qu'une marque que j'avais faite dans le ciment frais avec le bout de mon "bourdon": Alain 09/05/05. Je suis ravi et ému de l'avoir retrouvée cette marque. Sera-t-elle un témoins pour les générations futures avec analyse au carbone 14., radiographie, tests ADN....etc. Souvenez-vous à St SEVER dans les Landes un réfugié Espagnol m'avait demandé de ne pas l'oublier. Je pense bien à lui et lui adresse mon profond respect.

Je me fais plaisir en envoyant des courriels à mes Amis. Je suis assez content d'avoir progressé dans ces manipulations informatiques qui ne sont pas encore coutumières, mais promis en rentrant je reprends les cours assidûment! Le dortoir où je suis est dans une aile de l'église. C'est original. Ce qui l'ai également, c'est l'arrivée d'une quinzaine de cyclistes Italiens avec leur t'chatche! Je suis le seul Français sur 50. Oui j'ai peut-être oublié de vous préciser que le St Jacques se fait également en vélo, VTT ou VTC.

35ème JOUR: A MAUSILLA DE LAS MULAS (marché aux mulets) un Anglais installé à FOIX fait la route avec moi. C'est moins triste d'autant que la pluie a sévi toute la journée. Ce soir, grand confort, une chambre de 6 avec 2 Français, 3 Belges. Je vais bien mieux.

36ème JOUR:Jusqu'à HOSPITAL de ORBIGO, ASTORGA, RABANAL Del CAMINO, c'est la traversée du "PARAMO" sorte de désert digne du pôle Nord, et là ce n'est pas une comparaison usurpée car j'y ai eu très froid. Je me retrouve seul dans l'Albergue, alors où sont les Pèlerins pour occuper les 40 lits? Un couple d'Allemands, fauchés font la manche avec des arguments très forts, trop, trop forts. Jugez plutôt: plus de père, plus de mère, femme, enfant....seuls au monde, tous morts. Quel baratin de SDF! J'ai failli un instant ne pas comprendre le stratagème, mais plus ils en rajoutaient et moins c'était crédible. D'ailleurs qu'aurais-je pu faire pour eux avec mes poches vides? C'est le jour des rencontres, pas toujours très saines....un couple d'hindous en grosse cylindrée s'arrête et me propose une liasse de pesetas, contre des Euros je pense. Je n'ai pas tout compris si ce n'est que ce genre de transaction peut berner des "gogos".

37ème JOUR: Je suis parti à 6h30 après une nuit passé seul. Je démarre avec un Canadien, 73 ans, ancien employé d'aéroport. Il a neigé, entre 1200/1500m d'altitude qu'emprunte le chemin. Je traverse landes et forêts de chênes verts. Des Anglais se sont installés ici pour rénover des villages comme RABANAL, et ils tiennent le refuge qui offrira peut être un jour l'eau chaude dans les douches.

Dans notre N°10 on abordera le 38 ème jour et l'arrivée à St JACQUES de COMPOSTELLE en apothéose.





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